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Révision de l’article 1er de la Constitution : les réserves du Conseil d’État

Environnement & qualité - Environnement
Public - Environnement
28/01/2021
Dans un avis consultatif du 21 janvier 2021 rendu sur le projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement, le Conseil d’État rappelle « le caractère prioritaire de la cause environnementale », qu’il avait reconnu dans son précédent avis du 20 juin 2019 (CE, 20 juin 2019, n° 397908), mais insiste sur « les conséquences lourdes et en partie imprévisibles » qu’une telle révision impliquerait. Il propose ainsi une autre formulation mais aussi une modification de l’article 34.
Un contexte pressant
Ce projet de loi comporte un article unique visant à inscrire au premier alinéa de l’article 1er de la Constitution que « [La France] garantit la préservation de la biodiversité et de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ». Il est directement issu d’une proposition de la Convention citoyenne pour le climat (voir notre actualité du 23 juin 2020).
Toutefois, le Conseil d’État commence par rappeler qu’il s’agit ici du troisième projet de réforme constitutionnelle portant sur la question environnementale et soumis à son avis en « un peu plus de trois années ». Ce n’est donc pas la première fois qu’il est saisi de la question, bien que la forme et le fond des révisions proposées diffèrent toujours. Tantôt elles visent l’article 34 de la Constitution, tantôt l’article 1er.
En outre, le contexte juridique semble s’inscrire en faveur de « la cause environnementale », cette dernière faisant l’objet « d’un contrôle juridictionnel de plus en plus poussé, tant du juge constitutionnel que des juges administratif ou judiciaire, européen et international ». Sur ce point, le Conseil d’État relève deux décisions récentes du Conseil constitutionnel conférant une importance plus grande aux effets de la Charte de l’environnement (Cons. const., 31 janv. 2020, n° 2019-823 QPC et Cons. const., 10 déc. 2020, n° 2020-809 DC).
Comme il l'avait déjà affirmé dans son avis précité du 20 juin 2019, le Conseil d’État souligne donc de nouveau « le caractère prioritaire de la cause environnementale, s’agissant d’un des enjeux les plus fondamentaux auxquels l’humanité est confrontée » qui « justifie qu’elle prenne place à [l’article 1er] aux côtés des principes fondateurs de la République ».
Par ailleurs, il « prend acte de la volonté du Gouvernement de marquer plus encore l’engagement des pouvoirs publics dans la préservation de l’environnement ».
 
Les réserves du Conseil d’État
En premier lieu, si le Conseil d’État relève la « portée symbolique indéniable » de ce projet de loi visant à modifier l’article 1er de la Constitution, il tient à insister sur l’absence de prééminence d’ordre juridique de cet article 1er sur les autres normes constitutionnelles. Or, rappelons qu’avec la Charte de l’environnement, partie intégrante du bloc de constitutionnalité, « le principe de protection de l’environnement occupe déjà la plus haute place dans la hiérarchie des normes ».
En deuxième lieu, le Conseil d’État s’interroge sur les potentielles conséquences quant à la responsabilité de l’État et des pouvoirs publics territoriaux si une telle formulation venait à être consacrée. À ce titre, la Haute juridiction administrative attire l’attention du Gouvernement « sur les conséquences que pourrait entrainer l’emploi du terme « garantit » pour qualifier l’engagement de la France en matière environnementale, ce terme étant entendu comme s’imposant aux pouvoirs publics nationaux et locaux dans leur action nationale et internationale ». En effet, elle estime que l’utilisation du verbe « garantir », induisant une réussite dans l'objectif poursuivi et qui, au demeurant, ne figure pas dans la Charte de l’environnement, « imposerait aux pouvoirs publics une quasi-obligation de résultat ».
Eu égard à ces conséquences incertaines, le Conseil d’État « recommande au Gouvernement d’indiquer plus précisément, dans l’exposé des motifs du projet, les effets juridiques qu’il attend de la réforme, notamment sur la conciliation entre la préoccupation environnementale et les autres intérêts publics ».
Pour ces mêmes raisons mais aussi dans un souci de cohérence avec la Charte qui emploie le terme à plusieurs reprises, il suggère également au Gouvernement de préférer le verbe « préserver » à celui de « garantir ».
En troisième lieu, il conseille de substituer au terme « biodiversité » ceux de « diversité biologique » qui figurent dans le préambule de la Charte, ainsi que de remplacer le verbe « lutter » par « agir », s’agissant du dérèglement climatique.
 
Une modification de l’article 34 nécessaire
Enfin, le Conseil d’État renouvelle sa proposition de modifier l’article 34 de la Constitution pour clarifier les compétences du législateur en la matière et prévoir ainsi que la loi détermine les principes fondamentaux « du droit de l’environnement », en lieu et place « de la préservation de l’environnement », expression moins englobante et qui ne permettrait pas de tenir compte des trois objectifs environnementaux qui seraient inscrits à l’article 1er aux termes du projet de loi.
 
Quant au principe de non-régression de la protection de l’environnement, sa consécration constitutionnelle n’est toujours pas à l’ordre du jour, tant du côté du Gouvernement qui n’exprime pas la volonté de l’instaurer en principe constitutionnel que du côté du Juge constitutionnel qui refuse, en l’état actuel de la Constitution, de le consacrer comme tel (voir notre actualité du 17 déc. 2020).
Source : Actualités du droit